Expertise médicale : un enjeu essentiel pour les motards ?
Obnubilé par la réparation de sa machine, l’accidenté néglige souvent la partie « corporelle » de son sinistre. La loi prévoit une longue série de préjudices pouvant être indemnisés.
- Comment se déroule une expertise médicale ?
Il faut attendre la guérison ou la stabilisation des blessures. Pour les accidents les plus graves, une expertise intermédiaire peut permettre le versement d’une provision.
Après consolidation, un médecin mandaté et payé par l’assureur pratique l’expertise. « Il s’agit d’une procédure amiable. Les préjudices y sont généralement sous-évalués par rapport à une expertise judiciaire », avertit Sophie Perreimond, avocate à Bastia et membre du conseil juridique de la FFMC.
« Le blessé a donc intérêt à montrer le rapport d’expertise à son médecin pour recueillir son avis concernant les taux de préjudices fixés, puis à un conseil juridique qui évaluera si le montant de l’indemnisation proposée par l’assureur est correct. » Les associations de victimes ou la FFMC possèdent des listes d’avocats spécialisés.
- Quels sont les préjudices indemnisés si le blessé n’est pas responsable de l’accident ?
Les préjudices couvrent un ensemble hétéroclite d’éléments parfois négligés. Il vaut donc mieux les connaître ou se faire assister d’un avocat pour demander à l’assureur leur prise en compte. Voici une liste, non exhaustive, de préjudices :
* L’incapacité temporaire de travail (ITT) prend en compte la perte de salaire subie durant la période concernée et indemnise l’ensemble des préjudices pour la période d’invalidité totale qui suit l’accident.
* L’incapacité permanente partielle (IPP) évalue le taux de handicap de la victime. À ces deux postes majeurs s’ajoutent les frais de soins, le pretium doloris (réparation des souffrances), le préjudice esthétique, le préjudice professionnel, le préjudice de tierce personne, le préjudice d’agrément, l’aménagement d’un logement, l’équipement d’un véhicule spécialisé…
- Ces mêmes préjudices sont-ils pris en compte quand l’assuré a tort ?
Non, si le blessé est responsable de l’accident, le contrat d’assurance précise les postes pris en compte (à condition bien sûr d’avoir souscrit une corporelle conducteur).
Les contrats d’assurance fixent des taux plancher en dessous desquels les assurés ne touchent rien. Certains experts peuvent minorer très légèrement le taux d’IPP pour le faire passer sous ce seuil fatidique (généralement 10 %). C’est pourquoi le blessé doit systématiquement montrer le rapport d’expertise au spécialiste qui l’a pris en charge depuis son accident.
- Que faire en cas de désaccord ?
Toujours commencer par chercher un règlement amiable avec l’assureur. Le blessé peut contester le rapport d’expertise auprès de l’expert et de l’assureur en s’appuyant sur un contre-rapport rédigé par son médecin.
Une solution à l’amiable débouchera sur une réévaluation de l’indemnisation. Dans le cas contraire, il ne reste plus qu’à demander au tribunal de trancher via une expertise indépendante.
« L’avocat du plaignant demandera un référé d’expertise, puis une indemnisation devant le tribunal de grande instance », explique Sophie Perreimond. « Les avocats fixent librement leurs honoraires, mais le plaignant peut obtenir une aide juridictionnelle qui couvrira ses frais. Certains contrats d’assurance de type « défense-recours » prennent en charge ce type de dépense.
Qui indemnise quoi ?
Avant toute indemnisation par les assurances, la victime d’un accident va obtenir certaines prestations versées par des organismes sociaux, les tiers payeurs. Ainsi, ces organismes (Sécurité sociale, caisse professionnelle…) vont régler les frais médicaux et d’hospitalisation, verser une compensation de salaire pendant la période d’ITT.
Or, on ne peut pas être indemnisé deux fois pour un même préjudice. Dès lors, ces organismes sociaux vont se rembourser des sommes qu’ils ont versées sur le montant de l’indemnité payé au final par les assureurs. Toutefois, ce recours ne concernera que les indemnités à caractère patrimonial, c’est à dire l’indemnité correspondant à l’ITT, l’IPP, les frais médicaux, l’assistance d’une tierce personne, la gêne dans la vie courante.
Par contre, le recours ne touchera pas les indemnités à caractère personnel qui sont le « pretium doloris », le préjudice moral, les préjudices esthétique et d’agrément. C’est pourquoi la victime d’un accident ne doit pas négliger ces préjudices moraux et bien les faire valoir lors de l’expertise médicale.